Au pays des Gavatch

3 jours en septembre 2011

Après Mende nous grimpons vers le Haut Pays des "Gavatch" (que l'on prononce Gabatch comme chacun sait....ou pas...) !


Gavatch... C'est comme ça que nous appelaient les minots de Nîmes et les enfants de mineurs de La Grand-Combe et d'Alès, envoyés par leurs parents pour prendre le grand air de "là-haut"...


En réalité, les enfants que nous étions alors, l'ignorions, ce mot de "gavatch", que nous prenions alors comme une insulte, et c'en était bien une dans leurs bouches, pourrait bien être le résultat de l'usure du mot "Gabales", ce peuple gaulois, dont le territoire s'étendait à peu de choses près sur l'actuelle Lozère que l'on appela autrefois Gevaudan, ou mieux "Gabaudan", le pays de la "Bête"... qui préférait les jeunes filles aux moutons...


Les Gavatch que nous étions alors, défendaient chèrement, avec vigueur et fierté, armés d'arcs et de flèches en coudriers, d'épées et dagues de bois blanc chipé dans l’atelier du menuisier du hameau, "nos" chemins, "no"s coins de bois à myrtilles et framboises, "nos" bords de ruisseau à têtards et truites arc-en-ciel, et surtout nos cabanes de fougères et de brandes, de ces bandes d'envahisseurs d'estivants des villes, en culottes courtes ou pantalons de gardian !



Moi, petite fille sage, blondinette des années cinquante, avec mes yeux gris-bleus, à laquelle, comme le disaient mes institutrices de l'école, laïque, on aurait "donné le Bon Dieu sans Confession", moi, mon héros d'alors était Gavroche, dont le nom se rapprochait tellement de Gavatch, et surtout Lebrac, le chef splendide des Longeverne, auquel je m'identifiais complètement depuis ma lecture de la Guerre des Boutons !


Nous, les Gavatch, avions notre trésor de guerre, notre camp, notre honneur à défendre !
En face, les "ceux de la ville", étaient des "couilles molles" comme l'aurait si bien dit Louis Pergaud, des menteurs, des traîtres... 

Pour un oui, pour un non, pour une cinglante fessée à coup de genêts balai, une bonne "frictionnade" d'orties, ou une volée de coups d'épée et de pieds, ils allaient se plaindre et pleurer dans les jupons de leur mère, ou de leurs tantes, ces "dames" en chemisiers de nylon jaunâtres et bijoux en "fix", qui passaient tous leurs après-midi à tricoter des kyrielles de chandails à rayures pour l'hiver ou d'interminables layettes roses et bleues, assises sur des chaises dans la cour devant les "locations" en disant du mal de l'une ou de l'autre !

C'est dans ces années-là que j'ai pris la ferme décision de ne jamais devenir une "dame", de ne jamais grandir pour devenir "comme ça".



Le Haut Pays du Gevaudan : c'est là que s'est chevillée mon âme. Le pays de ma mère qu'elle avait néanmoins quitté, après la mort de sa soeur dans un torrent proche de Villefort, pour s'en venir "faire l'école" dans le Midi, les Corbières d'abord, où elle avait failli "mourir de chagrin" et les immenses plaines à vins de table trois étoiles du Biterrois... où, cette fois, elle réussit.

Tous les étés on m'envoyait "là-haut".


Et chaque fois que je m'engage sur le minuscule pont de Rogleton, qui enjambe le filet d'eau qu'est encore l'Allier, pour aller vers le hameau du Fraisse, mon cœur explose, comme un orage d'été, brusque et enivrant. 

 * * * * * * *

Aujourd'hui, ce n'est pas avec le grand char à foin attelé aux deux bœufs roux, badigeonnés de "mouchine" pour éloigner les taons et les mouches, que nous remontons vers "la croix", mais avec Kangoogris et sa Pucky Pooka.

Et à comme chaque fois, je suis fière comme un pou !

Nous roulons lentement, toutes fenêtres ouvertes : il faut sentir l'air, tout ce que raconte l'air d'ici ! Les pins noirs épicés, les genêts âcres et verts, les épilobes pourpres, les fougères, les gentianes, le torrent, les crêtes noires... et par-dessus tout l'odeur sauvage des bêtes, les vaches et les brebis... 
et le bourdonnement des mouches, le chant du vent dans les branches des pins et des fayards. 




Le haut-pays m'accueille de ses dix-mille bras et voix. 

Nous installerons notre camp dans un pré, entre la rivière Allier et le hameau du Fraisse, à la lisère d'un bois, juste à côté de bottes de paille que "le" Michel, mon cousin germain, le seul cousin que j'ai jamais eu, et que j'aime, ne rentrera pas, car cette année, la paille a été bottelée mouillée et elle est moisie !


Entre les repas en famille et les brebis qu'il faut aller chercher dans les parcs et nourrir car la sécheresse a rasé l'herbe et mis à mal l'élevage du cousin Michel et sa femme Brigitte, nous nous baladons...
Ce matin, 14 septembre, Pucky Pöoka est prise dans un nuage trop lourd qui frôle la terre et s'accroche dans les pins. Tout est trempé de rosée et un vent du Nord-Ouest pousse des nuées d'un bleu de fumée.

Bien au chaud dans mon duvet douillet, je guette le soleil... Sous la buée des vitres que je nettoie avec un doigt, pour mieux voir, je sens l'aigre, le mouillé de dehors. J'attends. Rien ne bouge. Alors je m'extirpe de la chaleur de la nuit, m'habille à la hâte.
Les vêtements sont froids, presque humides.
J’entrouvre la porte.
L'air vif me happe et je gicle hors du cocon de Pucky Pooka.

Pipi dans la mousse des bois. Un plaisir presque oublié !
Puis j'attrape un bidon d'eau, l'incline et emplis une petite cuvette pour une toilette de chat !
Une belle force grimpe dans les jambes et les bras et j'ai presque chaud.

Luc, lui est allé se tremper dans l'Allier !


Le soleil a chassé les brumes du petit matin et le café coule. Des corneilles se disputent et s'interpellent, en plein vol. Deux buses crient, haut, très haut.



La journée nous attend.
 
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7 commentaires:

  1. Très belle histoire ! Vite la suite !

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  2. Bonjour ...beau blog et belles photos , bravo ....J'AIME .....

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  3. Merci "jerome".... à suivre (bientôt !)

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  4. j'y allais tous les étés quand j'étais petit. J'ai connu les familles RANC, Darbousset, etc....!!!

    Patrice

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  5. Les Ranc sont ma famille. (Et je connais les Darbousset aussi pardi) : j'y ai passé tous les étés entre 1954 et 1966 ; et vous ?

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  6. Bonjour à tous les 2,

    C'est un plaisir de vous lire et d'autant plus du Fraisse,village authentique dans son paradis!.
    Comme vous 2,le mois dernier a été fait mon petit "pèlerinage" après plus de 40ans.En ce lieu,sa lumière,ses odeurs,les retrouvailles vous passent dans les veines comme dans l'enfance.
    S'il soit possible svp de contacter c'est avec plaisir.
    Bonne continuation,bien cordialement.
    Phil.

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    1. Bonjour Fifi Filou !
      Merci pour ce commentaire. Du temps a passé depuis 2011 et ce séjour en famille, au Fraisse. Vous pouvez bien sûr me contacter ! Quel est votre e-mail ? Je vous répondrai avec plaisir !

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