Entre l'Eau, le Ciel et la Pierre

26 Septembre 2011

Vite, un pull, un chapeau, des lunettes de soleil... La lumière de miel de l'été indien ouvre les portes du Quercy.
Nous faisons eau et provisions de bouche, attelons Pucky Pooka derrière Kangougris et embarquons pour cette deuxième escapade d'automne.

 Las !!!! A quelques centaines de mètres de chez nous, nous voici coincés derrière un épandeur de goudron et gravillons qui mâcule de minuscules étoiles noires les flancs fraichement nettoyés de Pucky. 
Bah, n'y pensons plus, ce n'est pas cela qui altèrera notre humeur voyageuse et légère.

Mais voici qu'une horrible odeur douceâtre vient croiser notre route !
Nous cherchons quelques champs fumant sous du lisier frais. Ou quelque explication rationnelle. Mais rien.

Devant nous un camion neuf, gris. La benne ouverte aux quatre vents.... Avec une pelle au bout d'un bras articulé...
Serait-ce lui qui traînerait ces effluves de mort ?
Il s'agit bien du véhicule d'un équarrisseur, anonyme, mais que l'odeur de charogne désigne sans possible erreur.
Impossible de doubler.
Pendant des kilomètres, jusqu'à la route rectiligne, sur le plateau, impossible de doubler ce corbillard de nos compagnons les bêtes...
 
Attendre. 
Puis doubler, oublier et se lancer vers le soleil !

Je ne sais pas où nous allons. Luc m'en fait la surprise. 
C'est à Cahors que je comprends. 
Nous prenons la direction de St Cirq Lapopie, l'eau et les falaises, là où rochers et constructions s'entremêlent pour ne faire qu'un entre terre et ciel, entre vertiges et éblouissements. 

A Bouziés, le petit pont suspendu, plus passerelle que pont, nous pose quelques difficultés. 

On a beau prendre "large", l'angle droit avec la route et l'étroitesse de la voie nécessite de s'y reprendre à deux fois et il faut faire marche arrière.
La marche arrière, c'est le seul point noir de l'attelage... Il faut débrayer manuellement le freinage automatique qui se met en place, par sécurité, dès que l'on recule. C'est du bricolage : nous coinçons le petit levier prévu pour cette manœuvre, mais qui ne tient pas vraiment, avec un gros boulon qui me noircit et me graisse les mains... Mais cela fonctionne.  


Sur la rive gauche, un voiture attend patiemment que nous ayons terminé la manipulation.
Nous passons au-dessus du Lot et gagnons un grand emplacement où sont garés, voitures et autocars. Plus loin, au bord de l'eau, des camping-cars et  leurs occupants qui prennent le soleil sur des transats, avec des bobs sur la tête et un livre, parfois entre les mains, parfois posés sur leurs genoux.
Tout est calme.

Nous laissons Pucky Pooka sur son emplacement et le sac à dos sur l'épaule, partons sur le chemin de halage, creusé, en 1847, dans la falaise proche de l'écluse de Ganil !

Joie et émotion s'entremêlent avec cette sensation d'être en compagnie des fantômes de ces hommes qui ont remonté avec leur seule force, la large bretelle en travers de leur torse, le jarret noueux et le dos tendu, les gabarres à fond plat, chargées des produits de l'océan du côté de Bordeaux... Le long de la rivière, la falaise s'envole vers le ciel. 


Nous marchons lentement, sur la pierre travaillée, creusée, lissée par les pieds innombrables qui l'ont polie, nous effleurons la roche entaillée par les centaines de milliers de coups, qui se creuse en tunnel, en terrasse ouverte sur le miroir vert bleuté, presque blanc, des eaux étales du Lot.



Plus loin, la falaise de Ganil a trouvé un autre éclat et un autre sens sous les coups de ciseau créateurs et quasi chamaniques, de Daniel Monnier 

Fleurissent soudain en volutes et spirales, d'étranges créatures marines, mollusques, oursins ou amonites... maelström de calcaire poli, oeil bombé, figé et glacé scrutant un infini onirique de l'espace temps...

Sculptures de Daniel Monnier 1989

"Une chose est sûre, avant que ce bas-relief ne s'effrite à nos pieds,
j'ai quelques raisons de croire que les arrières petits-fils de ceux nés aujourd'hui,
m'auront rejoint, étendus face au ciel". Daniel Monnier 1989

Le temps prend son temps.
Le rideau des arbustes s'entrouvent

Les oiseaux se taisent un instant, un ronronnement de moteur, puis des voix et un clapot percent ce silence, portés par la rivière. 
Un bateau moderne de plastique blanc, tout en angle et pointes, surmonté d'un ridicule parasol bleu remonte la rivière avec son chargement de touristes anglo-saxons qui s'ébaudissent bruyamment...

L'écluse à venir se dessine et une bite d’amarrage attend les mariniers d'eau douce...

Le bateau  blanc et bleu devra faire demi-tour et attendre, bien sagement retenu à la rive par ses amarres

Une autre embarcation, hésitant entre la gabarre et la péniche, mais transportant un autobus entier de visiteurs, descend la rivière et s'engage dans le couloir de l'écluse en amont.


Le tunnel de pierres et de roche devient un large chemin de terre empreint de douceur et d'une certaine nostalgie, peut-être à cause de la lumière reflétée doucement par l'eau et les troncs à l'oblique, rompant l'angle droit de l'eau et de la falaise ?

Nous quittons cette route et grimpons par un sentier à flanc de colline. De tout petits petits œillets sauvages, d'un rose tyrien éblouissant, étoilent les herbes sombres.
  
La montée est raide et nous devons nous arrêter plusieurs fois pour souffler, mais nous voici enfin sur la corniche, récompensés de tous nos efforts !

Nous redescendons par la route jusqu'au village de Bouzies et retrouvons Pucky Pooka à l'ombre des arbres, au bord de l'eau.  Un petit goûter de biscuits et thé rouge et en route vers Cabrerets !

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